Le printemps des monnaies locales
Partager

Reconnus par la loi depuis juillet dernier (Loi Hamon sur l’économie sociale et solidaire), les projets de monnaie locale et citoyenne n’en finissent plus de fleurir en France. Parmi les dernières, la Doume dans le Puy-deDôme. Même si le volume monétaire concerné reste encore symbolique, elles incarnent une autre vision de l’économie, de l’argent, de l’échange et du vivre-ensemble.

Les monnaies locales complémentaires (MLC) viennent d’entrer timidement mais sérieusement dans l’agenda politique en France. La parution concomitante de deux rapports consacre en effet l’intérêt croissant qu’elles suscitent aujourd’hui de la part des politiques.

Le premier de ces rapports, intitulé D’autres monnaies pour une nouvelle prospérité, est issu d’une mission commandée début 2014 par Cécile Duflot, alors ministre à l’Egalité des territoires et du Logement, et Benoît Hamon, à l’époque ministre délégué à l’Economie sociale et solidaire et à la Consommation.

Le deuxième, issu du Conseil économique, social et environnemental (CESE), embrasse plus largement le sujet des « nouvelles monnaies », incluant les MLC et les monnaies virtuelles comme le bitcoin.

Le premier de ces rapports a abouti à la modification du code monétaire et financier à travers la loi relative à l’Economie sociale et solidaire (ESS) adoptée fin juillet 2014, afin de permettre leur reconnaissance légale. Succinct, l’article 16 de la loi ESS constitue une avancée unique en Europe, autorisant l’émission des MLC comme titre de paiement dès lors que ces monnaies relèvent de l’initiative de structures appartenant au secteur de l’ESS.

***

Leurs promoteurs mettent en avant trois raisons justifiant l’émission de ces monnaies :

  • Relocalisation de l’économie – D’abord localiser les transactions, en privilégiant l’usage local de revenus tirés d’une production locale. Il s’agit de renforcer un circuit complémentaire au circuit économique courant. Le projet d’une MLC est de s’étendre en nombre d’utilisateurs et de prestataires (producteurs, fournisseurs) en créant des filières au sein desquelles cette monnaie peut s’échanger. Et de créer ainsi des réseaux économiques locaux et résilients.

A l’objectif d’accumulation monétaire du système classique se substitue alors un objectif d’intensification monétaire sur un espace donné.

  • Dynamisation des échanges – Deuxième objectif, dynamiser ces échanges locaux au bénéfice des populations, et pour cela refuser l’accumulation, la conservation et la concentration de la richesse. Ainsi, les MLC tentent de montrer leur capacité à générer du développement économique local, du développement humain et du développement social à travers différentes formes d’engagement ou d’auto-organisation collective.
  • Création de liens – Au-delà du seul échange monétaire, il s’agit d’asseoir ces échanges sur des valeurs éthiques, sur une idée plus respectueuse du développement durable. Les MLC visent en ce sens à faire émerger de nouvelles relations entre les partenaires des échanges en promouvant la constitution de liens interpersonnels dans et par l’échange.

Par-delà ces pratiques innovantes de terrain, les monnaies complémentaires ouvrent la voie à une approche inédite de la question monétaire, sous l’angle notamment de la valeur et de l’utilité de la monnaie.

Phénomène global et parfois ancien, les MLC recouvrent des réalités très différenciées, de la monnaie-temps (échanges de temps consacré) à la monnaie gagée (sur un stock de monnaie classique, euro ou dollar) en passant par des monnaies inter-entreprises permettant de répondre, entre autres, à des besoins de trésorerie.

Le rapprochement entre ces différentes approches de la monnaie permet de poser la question de l’adossement et de la création monétaire, des capacités d’investissement liées à de tels systèmes.

La multiplication des MLC débouchera-t-elle sur une re-démocratisation de la création monétaire ? Ces monnaies seront-elles toujours gagées sur une richesse monétaire préexistante ?

Ou bien sur une ou des valeurs sociales, des biens communs ?

Les monnaies locales peuvent encourager la transition énergétique

Avec les monnaies locales, une autre économie s’ébauche

Mais à ce point de réflexion puis de réalisation, le pouvoir de la monnaie devient proprement révolutionnaire. Les expérimentations doivent donc être menées dans toutes les directions. La mobilisation sur le climat et la COP 21 cette année peut être un incroyable accélérateur d’initiatives monétaires dans les territoires.