édito de Nicolas BONNET, secrétaire régional EELV Auvergne
le 21 janvier 2015
Après les attaques terroristes de Charlie Hebdo, de Montrouge et de l’épicerie casher de la porte de Vincennes, et au-delà de l’indignation populaire qu’elles ont légitimement suscitée, il nous appartient de ne pas tomber dans les pièges que de tels actes nous tendent. La tentation est pourtant grande de céder à la peur et de chercher à se rassurer en restreignant les libertés individuelles, à commencer par la liberté d’expression. Elle n’est pas moindre, la tentation de verser dans le tout-sécuritaire via une surveillance accrue de chaque citoyen au motif que cela serait censé prévenir tout nouvel attentat. Ou encore celle d’exorciser nos peurs en désignant des boucs-émissaires, en stigmatisant une partie de la population et en nourrissant ce choc des civilisations dont certains oiseaux de mauvais augure se font déjà les prophètes. Dans tous les cas, nous offririons la victoire aux terroristes auteurs des récentes attaques.
Contre la peur, nous devons défendre et affirmer haut et fort la liberté d’expression ainsi que toutes les autres libertés. Se lancer dans un « Patriot Act » à la française, alors même qu’après dix ans d’existence, le bilan de ce dernier aux États-Unis est très controversé au regard de son coût pour les libertés fondamentales. Restreindre la liberté d’expression, s’autocensurer, ce serait abdiquer nos valeurs au profit de celles de nos agresseurs. Nous devons aussi être clairs sur le fait que les assassins qui tuent en se revendiquant d’une religion, ici l’Islam, n’ont aucune légitimité pour cela et n’engagent donc en rien tous ceux qui se revendiquent de cette même religion. Nous prônons la non-violence dans les relations humaines, et ne pas tomber dans les amalgames réducteurs en est un préalable essentiel.
Au Patriot Act américain de 2001, nous opposons l’esprit d’Oslo de 2011, celui qui fut la réponse de la Norvège aux attentats commis par Anders Breivik, à savoir « plus de démocratie, plus de tolérance et une plus grande implication politique » de chacun. Breivik est norvégien. Les frères Kouachi étaient français. Tous trois sont les rejetons monstrueux d’une modernité qui parfois nous échappe mais ne reste pas moins la nôtre.
Le grand rassemblement citoyen du 11 janvier était porteur de cet esprit d’Oslo, celui de la chance, difficile, donnée à la démocratie citoyenne, au travail sur soi et à l’éducation. Il est essentiel de modérer les grands discours sur « l’union nationale » d’une certaine forme d’humilité, propre à éviter la stigmatisation et les accusations trop rapides, trop faciles. L’humilité de reconnaître que notre société a aussi trop longtemps produit inégalités, violences et injustices.
Si les moyens, notamment humains, doivent incontestablement être renforcés dans la lutte contre le terrorisme, et plus précisément dans le renseignement, le partage d’informations et le suivi des filières, la société doit être préservée d’une mobilisation générale, d’une chasse aux sorcières qui se ferait contre elle et qui, rétrospectivement, donnerait raison aux terroristes en misant sur la peur, la méfiance et la division généralisées.
Ne cédons pas à l’angélisme : ces criminels doivent être combattus pour ce qu’ils sont : des assassins. De même, les factions armées islamistes, telles Daech ou Boko Haram, qui massacrent et asservissent des populations, doivent aussi être combattues, non pour le lien qu’elles revendiquent avec une religion dont elles dévoient les préceptes, mais parce qu’elles commettent des actes d’une barbarie sans nom, méprisant la liberté, la démocratie, la vie humaine.
Malgré la difficulté de la tâche et l’ampleur de l’émotion, il nous faut saisir l’occasion de ce sursaut citoyen pour relever le défi de cette violence par un surplus de démocratie, de fraternité et de justice sociale. Mené sans concession, il sera certes douloureux et délicat. Mais bien moins coûteux que le serait un recours à des solutions flattant les passions les plus proches et les plus basses.
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