Retour de flammes et extension de la crise de l’élevage; mobilisation des employés d’EDF à l’annonce d’une réduction de 5% des effectifs sur trois ans. L’actualité des mouvements sociaux de ces derniers jours en France est tout à fait particulière : si les revendications sont sociales, les crises sous-jacentes sont énergétiques et écologiques.
Le retour de flammes (attendu) de la crise de l’élevage nous rappelle que nous assistons, plus largement, à la mise en coupe réglée de l’agriculture française par les marchés européens et mondiaux au nom de l’impératif de compétitivité tel que formulé par l’industrie agro-alimentaire. Le système d’hyper-production agricole aboutit à une catastrophe écologique et donc humaine, économique et sanitaire, débouche sur une contradiction majeure entre le vivant et un mode de production industriel. Si la surface de la crise est sociale, le coeur du problème est écologique – et donc humain.
Les difficultés sociales d’EDF ne sont là encore que la partie émergée d’un iceberg qui marque la faillite du tout-nucléaire dans la production d’électricité en France. La faillite d’AREVA, celle du programme EPR (réacteur à eau pressurisée), les coûts d’entretien exorbitants d’un parc de réacteurs nucléaires vieillissants, l’explosion des coûts liés au stockage des déchets les plus nocifs… sont les manifestations économiques de la faillite d’un modèle (de production, distribution, consommation) énergétique plus du tout en phase avec les capacités d’absorption de la société, de l’environnement et du vivant.
Des fruits de la croissance à ceux du vivant
Aussi les questions sociales posées par les mouvements des éleveurs et des employés d’EDF ne portent donc plus seulement sur la redistribution des fruits de la croissance, ou le partage de la valeur ajoutée (ou des efforts à fournir) : elle touche avant tout au point crucial du modèle de production et par là au rapport entre l’homme et son environnement, entre l’homme et le vivant.
Conséquence : ne les traiter que sous un strict aspect social conduit à une vaine (et sans fin) tentative de réparation sociale de la destruction de ces secteurs.
Faute de politique alimentaire et agricole ambitieuse, avant tout européenne, qui rende viable la transition vers un modèle alternatif respectueux des hommes et de la nature, le gouvernement se perd en annonces successives destinées à éteindre le feu, ou du moins à éviter qu’il ne prenne ..des proportions catastrophiques et incontrôlables.
Faute de politique énergétique tournée vers une transition profonde des modes de production, distribution, consommation – qui constitue en soi une transition économique de première ampleur, au niveau des territoires -, les mesures prises tant par EdF que par le gouvernement se réduisent à des plans de sauvegarde partiels pavant la voie aux suivants.
L’actualité nous dévoile que l’écologique, l’économique et le social sont aujourd’hui indissociables. C’est sur ces différents plans que chaque crise doit être appréhendée, faute de quoi l’action politique perdra toute crédibilité.