Le Sommet de l’élevage s’ouvre cette année à Clermont-Ferrand sur fond de crise profonde du secteur. Nous aurions pu faire le même constat l’année passée ; et puis l’année précédente…
La crise de l’élevage est structurelle. A quoi les pouvoirs publics ne répondent que par une litanie de mesures ponctuelles qui sont autant de cautères sur jambes de bois.
Envisagée sous un angle strictement conjoncturel, cette crise ne peut que s’aggraver tout en désignant de commodes boucs émissaires : les normes environnementales et l’écologie, notamment. Structurelle à tous les niveaux, cette crise de l’élevage – et de l’agriculture en général – est certes économique quant à ses conséquences, mais aussi écologique quant à ses raisons profondes.
Crise de surproduction dans un contexte global de dérégulation et de libéralisation des marchés (voir les épisodes en cours sur le TAFTA, le CETA), elle n’entraîne jamais d’autre solution chez les pouvoirs publics que celle d’une fuite en avant : moins de normes, moins de charges, toujours plus de production et de productivité.
Ce modèle agro-industriel dépassé s’accompagne de l’éradication d’une agriculture paysanne, de territoire, en phase avec les besoins des populations.
Ne nous trompons pas de question : elle n’est pas celle de la compétitivité – prix de « nos » produits agricoles sur les marchés européens et mondiaux : ce modèle économique creuse sa propre tombe.
La question est d’abord de poser les enjeux à la fois sociétaux et écologiques, et donc de savoir si nous acceptons de réduire le vivant – animal, végétal, social et humain – à un simple support de plus-value économique, avec l’ensemble des ‘dégâts collatéraux’, sanitaires et environnementaux pour notre société. La question ne peut pas se réduire à l’économique, elle soulève une dimension éthique, une recherche de sens et de choix de société.
Oui, il y a urgence à retrouver du sens en agriculture et notamment pour les éleveurs, confrontés qu’ils sont à l’absurdité d’un système qui ne les rémunère plus, éradique peu à peu leur profession et oriente leur secteur vers le modèle des usines à lait et à viande, sans aucun respect de la condition animale, du vivant et de l’environnement.
Si l’élevage est un atout pour les territoires, c’est effectivement en tant qu’élevage paysan irriguant et nourrissant son « pays » et non en tant qu’usine à lait et à viande, dédiée à l’exportation.
Nous discernons trois conditions à la réussite d’une transition aujourd’hui vitale pour ce secteur :
1- Stopper la course effrénée à la production dans laquelle s’abîment les plus fragiles et accélérer la transition vers une agriculture paysanne : il faut envisager la possibilité d’un véritable plan Marshall fondé à la fois
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sur des schémas locaux de transition agricole (et de l’élevage) conçus sur le triptyque formation / filières / foncier – transmission ;
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et sur un endossement public de l’endettement des exploitations agricoles sur la base de leur engagement à une conversion vers des pratiques agro-écologiques : ce serait un choix de société fort, reconnaissant et rémunérant la valeur de la contribution paysanne au bien commun, naturel, paysager, alimentaire…
2- Relocaliser les circuits agricoles et alimentaires afin de conserver la maîtrise de la qualité des ressources, des productions et de répondre aux besoins locaux. La création de filières locales doit notamment pouvoir s’appuyer sur la commande publique.
3- Enfin un engagement de principe, un contrat de société, sur lequel refonder l’ensemble de l’économie agricole : cesser d’adapter le vivant à l’économie pour enfin adapter l’économie au vivant et à la nature.
A taille humaine, l’élevage peut aisément répondre à ces trois exigences. Il contribue naturellement à la qualité et à la préservation des sols, des paysages et des terroirs,
il aide au maintien de l’activité économique dans les espaces ruraux et montagnards, et reste l’une des clefs de la transition vers l’agro-écologie via l’équilibre et la complémentarité des pratiques culturales.
Le secteur de l’élevage reste l’un des maillons essentiels de la vie dans nos campagnes. Il demeure au cœur de la transition vers une agriculture vivable, plus juste et plus écologique.