Mobilités : le monde d’après ? – Partie 1
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Discours centrés sur le temps de parcours des grandes lignes, manque d’investissements et de fonds du côté de l’État, régionalisation des financements, élagage des petites lignes essentielles, des lignes de train de nuit et de fret, domination continue du tout-routier ; cette série ferroviaire nous a permis de souligner plusieurs grandes tendances, rendant bien visibles les priorités de l’État. Il est temps d’imaginer les politiques de mobilité du « monde d’après ». Dans un premier temps, il faut repenser les plans de développement aériens à la baisse et établir un système de concurrence avec le ferroviaire plus équitable. Ensuite, il faut revoir la politique ferroviaire au développement et à la reterritorialisation.

Les transports et les mobilités n’ont pas échappé à l’effet COVID, en témoignent les débats que nous avons connu dans la Métropole clermontoise depuis l’été. Tant sur l’avion que sur la desserte ferroviaire, il est indéniable qu’il y aura un avant et un après 2020. Encore reste-t-il à explorer et anticiper les grandes orientations qui pourraient être celles du monde d’après pour nos déplacements, notamment sur un territoire qui, sur le fond de son histoire et de son identité, vise à l’excellence sur le sujet.

Au-delà du vélo dont la crise sanitaire a définitivement assuré l’utilité et la pertinence en tant que mode de déplacement intra urbain complémentaire au transport de masse, la rupture violente de la crise provoquée par le virus a considérablement secoué les vieux paradigmes tout en laissant parfois émerger les prémisses d’une nouvelle donne en matière de mobilités. Bien que la voiture soit sortie grande gagnante des confinements successifs, dans les deux domaines que sont l’aérien et le rail, les mutations sont d’ores et déjà en train de se dessiner.

L’illusion aérienne doit cesser

L’interruption brutale des trafics liée à la crise de la COVID–19 est venue briser l’illusion collective des « plans de développement aérien » qui sont à la fois la matrice et le sens de la politique consensuelle en matière de connexions aériennes. Vouloir continuer de faciliter la croissance du trafic dans une optique de liaison aux métropoles de taille mondiale afin d’améliorer l’attractivité du site clermontois, c’est se leurrer et fermer les yeux devant la nécessaire redéfinition de la politique aérienne, en particulier sur de courtes distances.

Si la crise sanitaire revêt un caractère éminemment conjoncturel, elle marque un coup d’arrêt brutal et durable qui ne permettra plus de cacher la tendance structurelle à la diminution des trafics sur l’aéroport de Clermont–Aulnat depuis près de 20 ans. Depuis le début du siècle, l’aéroport a connu une perte de 60% de ses voyageurs (cf. graphique ci-dessous).

Quand la presse locale consacre sa Une au « redécollage de l’Auvergne » à propos de la relance d’une ligne n’assurant le transport que de 12 personnes par semaine, on ne peut alors que noter les hiatus entre les aspirations d’un monde ancien hypnotisé par sa pulsion de connexion aux hubs mondiaux et les besoins réels du territoire en matière de transports.

Plus d’informations ici.

C’est la nature même des plans de développement aérien qui doit ainsi être remise en cause. Le dynamisme économique de la Région ou de la Ville tient bien plus à son rayonnement technique et scientifique, au savoir-faire de ses Petites et Moyennes Entreprises, et à son attrait touristique, qu’à l’existence d’une grande infrastructure aéroportuaire.

La proximité de Paris et de Lyon rend, par ailleurs, d’autres moyens de transport plus ou presque aussi efficaces, la demande se tournant alors de l’aérien vers le ferroviaire. La crise climatique et la prise de conscience qui l’accompagne rendent également plus que problématique le modèle d’économie hyper subventionnée permettant le maintien de connexions par nature non rentables.

Vers un équilibre concurrentiel plus équitable

L’avion produit, en effet, 40 fois plus de gaz à effet de serre que le TGV. Il est impératif d’améliorer nos technologies aéronautiques, sans mettre de côté la nécessaire réduction du nombre d’aéroports, une meilleure intermodalité entre l’avion et les autres modes de transport, et un renforcement de la desserte ferroviaire du territoire.

Sans conditions de concurrence équitable entre modes de transport, il nous sera impossible de rebattre les cartes de cette manière. Déjà en 2015, Yves Crozet, spécialiste de l’économie des transports, affirmait que « les finances publiques sont limitées », que subventionner l’avion, c’est « subventionner les polluants » et que « cela mène à quelques révisions déchirantes qui conduisent à une approche radicalement nouvelle : la fin du ‘toujours plus’ ». L’aérien ne paye pas ses coûts environnementaux, tandis que le TGV et l’Intercités ne bénéficient pas du soutien qu’ils méritent en tant que solutions de décarbonations du secteur des transports. Le kérosène est, en effet, le seul carburant issu du pétrole à ne pas être inclus dans la Taxe Intérieure de Consommation sur les Produits Énergétiques (TICPE), alors que le TGV et l’Intercités paient des péages élevés. Du reste, l’avion et le train sont soumis aux mêmes taux de TVA.

Les conséquences à moyen et long terme du choc brutal porté à l’activité de notre aéroport ne peuvent donc que nous conduire à redéfinir notre politique aérienne dans le sens d’un accompagnement à la réduction du trafic et à la diversification des activités. Il faut établir un système fiscal plus équitable, et ainsi mener la nécessaire transition au profit de modes de transport moins polluants et plus adaptés, notamment le ferroviaire.

Partie 2 : Rail, un retour à la réalité et au territoire

Article n° 1 : Le rail, objectif capitale ?

Article n° 2 : Fin de l’illusion, maintien de l’inertie

Article n°3 : Le train de nuit, entre espoir et pessimisme

Article n°4 : Desserte fine des territoires, un élagage chronique

Article n°5 : Visite ministérielle, de belles paroles ?

Article n°6 : Ligne de fret Volvic-Le Mont-Dore, un numéro d’équilibriste

Article n°7 : Railcoop, une initiative citoyenne pour sauver les Intercités