Mobilités : le monde d’après ? – Partie 2
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Partie 1 : L’illusion aérienne doit cesser
(ici)

Discours centrés sur le temps de parcours des grandes lignes, manque d’investissements et de fonds du côté de l’État, régionalisation des financements, élagage des petites lignes essentielles, des lignes de train de nuit et de fret, domination continue du tout-routier ; cette série ferroviaire nous a permis de souligner plusieurs grandes tendances, rendant bien visibles les priorités de l’État. Ce que l’on appelle le « monde d’après » nous imposera de repenser de fond en comble nos politiques de mobilités et de transport, à commencer par le ferroviaire.

Rail – un retour à la réalité et au territoire

Le modèle de développement fantasmé depuis au moins deux décennies est entré en crise avec l’effondrement du mythe de la LGV auvergnate au lendemain des grands messes organisées par la Commission Nationale du Débat Public en 2012/2013. Depuis quelques années désormais, les discours en sont revenus à la raison et au réel pour se consacrer au maintien et à l’entretien de l’existant, notamment sur la liaison Paris – Clermont.

Ceux qui, il y a peu encore, rêvaient ou faisaient rêver aux 15 milliards d’une fantasmatique LGV se réjouissent aujourd’hui à grands cris de quelque 1,5 milliards que la SNCF, l’État et la Région aligneront à grand-peine pour de nouvelles rames et quelques minutes récupérées sur le retard accumulé depuis des années sur la liaison Paris – Clermont. L’enseignement que l’on peut retirer de ce retour salutaire au réel est double. Premièrement, le territoire se mobilise pour ses transports sans attendre un dû que l’État ne saurait lui reconnaître. Il manque, en effet, un milliard d’euros par an au contrat de performance État/SNCF Réseau (aujourd’hui à 3 milliards d’euros) pour assurer la régénération du réseau. Deuxièmement, ce retour à la réalité des coûts permet une prise de conscience des choix existants. Puisque les moyens se font rares et qu’une manne ne va pas tomber du ciel, il est légitime de se poser la question de l’utilité des investissements réalisés. Entre un contournement routier à 20 millions d’euros/km et la restauration d’une ligne à 1 million/km, il existe un fossé permettant certains arbitrages. Ne nous leurrons plus, la Région n’exerce pas ses compétences en matière de gestion de l’offre ferroviaire et de coordination des différents modes de transport, elle préfère mettre des millions dans un projet du passé.

Ces tendances à l’abandon de la part de l’État de la Région nous mènent à la reterritorialisation des politiques d’aménagement et de desserte ferroviaire, ce qui n’était plus arrivé depuis le milieu du XXème siècle. Les collectivités locales et les acteurs locaux se réemparent des sujets de mobilité par-delà les mythes antiques du désenclavement et de l’attractivité. Face à la pénurie de moyens et à la nécessité d’arbitrer, nous nous acheminons progressivement vers deschoix politiques inédits et fondés sur l’analyse comparée de tous les coûts (économiques, écologiques, sociaux…) et des utilités de chaque investissement. Émergent alors des outils permettant et validant ces choix. Le projet citoyen et solidaire de Railcoop constitue un premier signal vers le retour à la gouvernance du territoire.

Cette réappropriation malgré le désinvestissement de l’État souligne l’hypocrisie de l’argumentaire consistant à mettre en cause le manque de demande dans la non régénération des lignes de desserte fine du territoire. Des voyageurs, il y en a, c’est une offre convenable et attractive qui nous fait défaut. S’esquisse ainsi de manière encore assez mal dégrossie la naissance d’un paradigme du transport qui interroge les fondements de l’ancien, sur trois points saillants pour l’instant.

1- Du modèle du hub à celui de la biorégion

Notre vision des transports a toujours consisté à multiplier des « adresses », qu’elles soient ferroviaire (LGV), aérienne ou autoroutière, autant d’indicateurs de l’attractivité du site clermontois. Selon cette conception, Clermont-Ferrand se devait et se doit de décrocher un statut et un positionnement sur la carte des métropoles mondialisées, afin d’être connecté aux différents réseaux de communication et de transports globaux.

La vision émergente se focalise en priorité sur l’accès réel à la biorégion naturelle de la métropole qu’il soit question de fret ou de trafic voyageurs, tous deux complémentaires. L’objectif est de structurer tout le territoire autour de Clermont-Ferrand et de le réorganiser dans le sens de la reterritorialisation. D’où le sauvetage express de la ligne de fret Volvic – Le Mont-Dore et l’idée de la raccorder à l’entreprise d’embouteillement de Laqueuille ou celle de recyclage des déchets de Saint-Ours.

2/ De la conquête du temps à la reconquête des espaces

La vision du développement des transports a jusqu’ici été portée par l’impératif du gain de temps dans les déplacements. Après l’attractivité du territoire, il s’agissait d’en garantir une certaine compétitivité.

Demain, cela pourrait sous-tendre que nos nouvelles politiques de mobilité reposeraient sur la nécessité de reconquérir et de desservir des espaces aujourd’hui délaissés. Il existe une réelle demande de réouverture de lignes transversales essentielles raccordant Clermont-Ferrand au Puy-en-Velay, à Brive, Béziers, Bordeaux, Lyon, Limoges, ou encore Saint-Étienne. Il en va de même concernant le renforcement de certaines lignes existantes entre Clermont-Ferrand et Nîmes, Aurillac, Saint-Flour, Montluçon ou Billom, entre autres.

3/ D’une approche descendante à une approche ascendante

La reprise en mains par les territoires de leur avenir en matière de transports bat ouvertement en brèche la vision d’un État central aménageur du territoire national.

Dans la conception du « monde d’après », les réseaux de transport devront ainsi être entièrement repensés, qu’il s’agisse du routier, de l’aérien ou du ferroviaire. En sortant du schéma descendant du gain de temps et du parisiano-centrisme, nous pourrons rétablir le maillage du territoire et rattraper un peu le retard entre la France et ces voisins européens. Nous voulons mener une réelle redéfinition des politiques de mobilités afin d’accompagner la réduction du trafic aérien et le développement ferroviaire.

Article n° 1 : Le rail, objectif capitale ?

Article n° 2 : Fin de l’illusion, maintien de l’inertie

Article n°3 : Le train de nuit, entre espoir et pessimisme

Article n°4 : Desserte fine des territoires, un élagage chronique

Article n°5 : Visite ministérielle, de belles paroles ?

Article n°6 : Ligne de fret Volvic-Le Mont-Dore, un numéro d’équilibriste

Article n°7 : Railcoop, une initiative citoyenne pour sauver les Intercités