Desserte fine des territoires : un élagage chronique
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Fret, train de nuit, alternatives à l’avion, le « monde de demain » regorge d’idées pour le ferroviaire. De quoi attirer notre attention et nourrir une série d’articles. Quatrième épisode par ici.

DESSERTE FINE DES TERRITOIRES: UN ÉLAGAGE CHRONIQUE

À l’heure où les inégalités de mobilité entre les territoires ne cessent de se creuser, ce ne sont pas seulement les trains d’équilibre des territoires, mais toutes les « petites lignes » qui disparaissent peu à peu dans une régression continue du maillage du réseau ferré. Représentant encore près d’un tiers du réseau français, ces lignes subissent un manque d’entretien et de financements apparent, dont le Massif Central n’est pas exempt, bien au contraire.

L’année 2013 a marqué les esprits suite à l’accident ferroviaire de Brétigny-sur-Orge où sept personnes perdirent la vie : on prit alors crûment conscience de l’état de délabrement d’une partie du réseau classique. En juin 2014, le gouvernement Valls lançait une réforme ferroviaire qui signait l’échec de la séparation ouverte en 1997 entre la SNCF et RFF (Réseau Ferré de France) : avec un doublement de sa dette en moins de 20 ans, RFF n’avait finalement jamais joué d’autre rôle que celui de structure de défaisance de l’endettement ferroviaire. Le poids de la dette sur les comptes et l’avenir de l’entreprise sur-déterminaient et sur-déterminent encore l’absence de politique et d’orientation autre que financière. Ce que confirmait la Cour des Comptes dès 2015 en évoquant une « gestion sans stratégie ».

En juillet 2015, le gouvernement publiait une feuille de route pour « un nouvel avenir des trains d’équilibre du territoire »suivie d’une phase de négociations avec les régions aboutissant en janvier 2016 au transfert de 18 lignes Intercités.

Pour le reste, et notamment pour la ligne Clermont – Paris, en tête des moins déficitaires parmi ces lignes d’intérêt public, on parlait dès lors d’un réseau Intercités « résiduel », ne représentant plus que 3 % des voyageurs-km annuels, contre 6,5 % précédemment. Ce réseau Intercités ne concerne désormais plus aucune destination au nord de Paris : il est celui du centre-sud du pays et du massif central (Paris – Clermont, Paris – Limoges – Toulouse), auquel on ajoute la transversale Bordeaux – Marseille.

La FNAUT a recensé l’arrêt des services de transport ferroviaire de voyageurs pour une durée indéfinie. En 2014, le trajet Ussel – Laqueuille est visé, scellant le sort de la liaison Bordeaux – Clermont-Ferrand – Lyon. En 2016, c’est au tour des 66km de la ligne Thiers – Montbrison, sonnant le glas du Clermont-Ferrand – Saint Étienne. Bref, un résiduel qu’en dehors de toute stratégie politique d’aménagement ferroviaire on destinait à la résilience dans l’attente… de l’attente ou bien de l’ouverture à la concurrence et/ou d’un ultime transfert aux régions.

À travers son plan de relance, le gouvernement entend octroyer 300 millions d’euros à la régénération des petites lignes, ce qui « relève du saupoudrage », selon la FNAUT. Elle estime que le plan est insuffisant d’1 milliard d’euros par an. Dans son rapport, le préfet François Philizot rappelle que plus de « 60% du réseau [des petites lignes françaises] est menacé », et que leur remise en état exige un investissement « de l’ordre de 7 milliards d’euros sur une dizaine d’années. »

Face à ses faits avérés, l’actuel Ministre délégué aux transports, Jean-Baptiste Djebbari, qui devrait se rendre à Clermont-Ferrand en compagnie du Premier Ministre ce lundi 5 octobre, avait proposé en février dernier de catégoriser les lignes de trois manières différentes et de les traiter ainsi selon leur importance. Le réseau structurant serait financé entièrement par SNCF Réseau, et non plus par l’État et les régions. D’autre lignes seront cofinancées à travers de nouveaux contrats de plan État-régions. Enfin, le sort des plus petites seront laissées à la discrétion des régions, qui pourront décider de transférer l’exploitation de l’infrastructure à des acteurs privés ou d’adapter les voies aux passages de bus et navettes. Problème : le gouvernement relègue la gestion des petites lignes aux régions mais regimbe à leur transférer la propriété des rails, ce qui crée une situation de blocage, même si des discussions ont lieu avec le Grand – Est et le Centre – Val de Loire.

Le bilan des opérations est donc pour le moins éloquent. Faute d’avoir pu se défaire de la dette dans une structure ad-hoc telle que RFF, la réunification de la vieille maison débouchait sur une organisation de ‘défaisance’ des lignes d’équilibre du territoire, confiée pour l’essentiel aux régions, maintenues pour le reste sous perfusion hésitante.La tendance a peu évolué depuiset « masque l’absence de ressources financières nouvelles de l’État et des régions alors qu’un effort massif et ambitieux d’investissement et de renforcement de l’offre est indispensable, » souligne la FNAUT. Force est d’ajouter : « Quand une ligne ferroviaire est fermée, environ 40 % des usagers reprennent la voiture, » renforçant ainsi la dépendance automobile malgré l’urgence climatique.

[À suivre]

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